Parcours de vie de déportés : les archives comme matériaux

Alexandre Doulut
Sandrine Labeau


En 2010 nous avons publié Les 473 Déportés juifs de Lot-et-Garonne. Histoires individuelles et archives[1], fruit d’une recherche de plusieurs années. Il s’agissait d’esquisser, sur une page, l’histoire de chacun des déportés et de publier au moins un document pour chacun. D’où la nécessité de collecter des milliers de reproductions d’archives. C’est grâce à toutes les informations accumulées, plus ou moins nombreuses selon les personnes, que nous pouvons ici livrer une étude plus statistique : voilà l’intérêt majeur d’une telle recherche, au-delà des aspects individuel et local.

Le Lot-et-Garonne se trouve en zone libre et il est séparé de la Gironde occupée par la ligne de démarcation. Le département est sous juridiction de la préfecture régionale de Toulouse pendant cette période. Par « déportés juifs de Lot-et-Garonne » nous entendons « arrêtés » et non pas « domiciliés » en Lot-et-Garonne. En effet, presque aucun déporté n’est domicilié en Lot-et-Garonne avant 1940. Comment parler alors de domicile, puisque ce sont tous des réfugiés qui ont quitté le leur ? Leur adresse dans le département n’est finalement que provisoire. D’autre part, en prévision d’une généralisation de monographies par départements, c’est le seul moyen d’éviter de compter deux fois une même personne, par exemple dans le cas d’un déporté arrêté dans un département où il n’est pas domicilié.

Le principal travail a été d’identifier tous les déportés juifs, sans en oublier un seul. Bien entendu, au départ nous ignorions qu’ils seraient si nombreux. On pourrait croire qu’il suffit de repérer lesquels ont été arrêtés dans le Lot-et-Garonne, puis envoyés à Drancy, pour disposer d’une liste indiscutable. Or seuls les Juifs raflés entre le 19 août et le 2 septembre 1942 sont partis directement à Drancy (73 % des déportés) ; tous les suivants ont transité par d’autres départements, dans un camp ou une prison, avant d’être envoyés à Drancy :

  • Du 4 septembre 1942 au 26 octobre 1942, les Juifs arrêtés en Lot-et-Garonne transitent d’abord par Rivesaltes, qui devient le « Drancy de zone libre » jusqu’en novembre 1942 : un télégramme du ministère de l’Intérieur, adressé aux préfets de zone libre le 5 septembre 1942 [2], prescrit d’interner à Rivesaltes ou au Vernet les Juifs étrangers « qui seraient découverts en situation irrégulière » (7 % du total des déportés).
  • En février 1943, à l’occasion d’une rafle qui a lieu dans toute la zone sud, les hommes arrêtés sont rassemblés à Gurs (13 % des déportés).
  • À partir de mars 1943 jusqu’à la Libération, les Juifs arrêtés en Lot-et-Garonne sont envoyés à la prison Saint-Michel de Toulouse avant d’être transférés à Drancy (7 % des déportés).
    La majorité des déportés juifs de France est partie en 1942. C’est encore plus vrai en Lot-et-Garonne : dans ce département, 75 % des déportés l’ont été en 1942 contre 57 % en France, c’est-à-dire avant l’invasion de la zone libre par les Allemands. Y compris après l’occupation du département à partir de novembre 1942, la majorité des Juifs sont arrêtés par un fonctionnaire français ; 28 personnes « seulement » l’ont été par les Allemands et il reste 17 personnes dont nous ignorons par qui elles ont été arrêtées. Au final en Lot-et-Garonne, près de 92 % des déportés ont été arrêtés par un fonctionnaire français.

En Lot-et-Garonne, quelques particularités se dégagent par rapport aux statistiques nationales [3].

Les nationalités :
94 % des déportés sont des étrangers, contre 68 % en France.

La part hommes-femmes :
La plupart des déportés de Lot-et-Garonne, 76 %, sont des hommes : 359 hommes pour 114 femmes. Ce chiffre s’explique surtout par la présence d’un Groupement de travailleurs étrangers (GTE) « palestinien », le 308e de Tombebouc. Son effectif se compose principalement d’Allemands et d’Autrichiens libérés des camps de Gurs et du Vernet où ils avaient été internés après leur expulsion de Belgique le 10 mai 1940.

L’âge :
Il y a moins d’enfants et moins de vieillards qu’ailleurs en France. Les déportés sont surtout des quadragénaires ou des quinquagénaires qui n’ont pas d’enfants à charge avec eux – toujours cette prépondérance des hommes du GTE 308.

 

Enfin, la présence de trois fermes-écoles de l’Organisation-Reconstruction-Travail (ORT) dans le département a eu un impact non négligeable sur le nombre des déportés : 40 déportés sur 473, soit 8,5 %, y ont été arrêtés.

Les histoires présentées ci-dessous sont extraites de notre livre ; nous nous sommes efforcés de choisir des parcours particulièrement caractéristiques de la Shoah en Lot-et-Garonne. Mais nous avons ici pris le parti de récrire ces histoires afin que les lecteurs du Lot-et-Garonne et les familles de ces déportés ne soient pas les seuls à y trouver un intérêt.


Parcours de vie

Paul Brasch

Paul Brasch est né le 21 mars 1884 à Posen (l’actuelle Poznan en Pologne, qui à l’époque se trouvait en Allemagne). D’origine polonaise, il est de nationalité allemande ; il exerce le métier d’avocat. Sa femme s’appelle Lola, née Blumin ; on ignore s’ils ont des enfants. Les archives du Service international de recherches à Bad Arolsen en Allemagne nous apprennent qu’il a été libéré du camp de Sachsenhausen le 27 novembre 1938 [4] ; la date d’entrée au camp est inconnue, mais comme des milliers de Juifs (entre 20 000 et 30 000 selon les sources), il a sans doute été arrêté et incarcéré lors du pogrom du 9 novembre 1938. La libération a un prix, fixé par les nazis : quitter le pays en y abandonnant ses biens. Il trouve refuge en Belgique [5], sans doute avec sa femme, mais le répit est de courte durée : le 12 mai 1940, il est expulsé de Belgique vers la France. Paul Brasch fait partie des 211 déportés d’origine étrangère du département qui ont franchi la frontière belge en mai 1940. Beaucoup d’entre eux sont des civils évacués par milliers de Belgique vers la France. Mais la plupart arrivent en France contre leur gré. Ce sont des Allemands et des Autrichiens arrêtés massivement le 10 mai 1940 par la police belge et expulsés vers la France dans des trains. Il y aurait eu autour de 8 000 expulsés [6]. Avec le même aveuglement que la République française entre septembre 1939 et mai 1940, la Belgique qui prétend se protéger de « ressortissants d’une puissance ennemie » s’en prend, de fait, à des réfugiés juifs allemands. En effet les Allemands de Belgique sont alors majoritairement des Juifs exilés ou chassés d’Allemagne, le plus souvent après la « Nuit de cristal ». Après quelques jours d’errance dans différents camps improvisés, ils sont internés à Saint-Cyprien, sauf les officiers de réserve qui sont expédiés au Vernet le 22 juin 1940 [7].

Paul Brasch a-t-il été envoyé au camp de Saint-Cyprien comme la plupart de ces expulsés de Belgique ? En tout cas il n’apparaît pas dans les listes du camp des Pyrénées-Orientales [8]. Par contre, dans le fichier des internés du camp du Vernet-d’Ariège se trouve un Paul Brasch, né le 2 mars 1883 [9]. Il est fort probable que les deux homonymes ne font qu’un – le préposé au fichier du Vernet aura fait une erreur en notant la date de naissance. Les conditions de vie sont telles au Vernet que les hommes espèrent tous être incorporés comme travailleurs étrangers dans un GTE, seule possibilité réelle pour un Juif étranger de quitter le camp. C’est ainsi que 142 officiers de réserve allemands et autrichiens, expulsés de Belgique, sont transférés du Vernet au GTE 308 à Agen en novembre 1940. Parmi eux, 40 seront déportés de Lot-et-Garonne. Paul Brasch est libéré du camp du Vernet le 14 novembre 1940 et rejoint le GTE d’Agen. En juillet 1941, lors du recensement des Juifs, l’ancien avocat habite toujours à Agen au 77, boulevard du Maréchal-Pétain [10] (l’ancien boulevard de la République qui a été promptement débaptisé après l’installation du régime de Vichy). Nous ignorons quel emploi il occupait à Agen.

En 1941 de nombreuses femmes restées en Belgique le 10 mai 1940 rejoignent leurs maris qui viennent d’intégrer le GTE 308. Lola Brasch n’est, elle, pas inscrite dans le registre du recensement des Juifs. Sans doute n’a-t-elle pas quitté la Belgique, à moins qu’elle ne soit pas juive.

Le 14 avril 1942, Paul Brasch rejoint le cantonnement du GTE 308 [11] qui, un an auparavant, a déménagé au château de Tombebouc, sur la commune d’Allez-et-Cazeneuve. Le 19 août 1942, il est envoyé au camp de Casseneuil avec plusieurs dizaines d’autres travailleurs étrangers juifs du GTE 308 : c’est l’application en Lot-et-Garonne de la deuxième phase de transfert des Juifs étrangers de zone libre vers Drancy. Après les Juifs des camps d’internement, ce sont ceux des GTE qui sont expédiés à Drancy : 763 travailleurs étrangers juifs arrêtés dans toute la zone libre y sont convoyés le 24 août 1942 ; des centaines d’autres les rejoignent à partir du 26 août 1942 [12]. Malheureusement il ne reste quasiment pas d’archives sur cette opération de police en Lot-et-Garonne. D’ailleurs ce n’est pas exactement une rafle : les prestataires qui sont détachés un peu partout dans le département ne sont pas arrêtés chez leurs employeurs, mais rappelés au cantonnement de Tombebouc à la mi-août sous différents prétextes, toujours fallacieux. Ceux de la caserne d’Agen, par exemple, ont été abusés par un officier qui les a fait monter dans un camion pour une soi-disant corvée de bois en forêt − camion qui les a emmenés au camp de Casseneuil [13]. 85 noms figuraient sur la liste, finalement le 23 août ils sont 62 partants pour Drancy. Le 31 août 1942, Paul Brasch est déporté à destination d’Auschwitz-Birkenau par le convoi 26 avec ses 61 camarades. On ignore s’il est descendu à Kosel lors de la première sélection des hommes (voir Hans Last ci-dessous) ou si, plus vraisemblablement compte tenu de son âge, il est arrivé sur la Judenrampe près de Birkenau. Il n’est pas revenu de déportation.

Le 16 décembre 1942, le chef de gare de Sainte-Livrade avertit le commandant du camp de Casseneuil qu’une valise en provenance de Lyon, destinée à Paul Brasch, est abandonnée à la gare [14]. Cette valise, comme toutes celles des Juifs transférés de Casseneuil à Drancy, est alors mise sous administration provisoire le 20 janvier 1943. André Gary, l’administrateur provisoire nommé par le commissariat général aux Questions juives, puis son remplaçant Roger Mathieu procèdent avec l’huissier Gaston Chaubard à la vente aux enchères publiques des objets personnels contenus dans les sacs et valises. Si l’on en croit les différents procès-verbaux des ventes, la valise de Paul Brasch n’a pas été proposée aux enchères – son contenu a peut-être été partagé entre des mains peu scrupuleuses. C’est pourquoi lorsque Lola Brasch réclame en 1947 la restitution du produit de la vente des affaires personnelles de son mari décédé en déportation, sa demande reste lettre morte [15].


Hans Last

Hans Last fait figure d’exception parmi les 473 : il est l’un des 37 rescapés d’Auschwitz du Lot-et-Garonne (8 % de survivants pour les déportés juifs du département, contre 3 % pour l’ensemble de la France) et l’un des trois avec qui nous avons pu parler à distance – par téléphone : il habite en Australie. En tant que rescapé, les archives le concernant sont particulièrement nombreuses ; l’abondance des informations personnelles qu’il nous a données explique aussi la longueur de sa biographie esquissée ci-dessous.

Hans Last est né le 9 juillet 1926 à Leipzig en Allemagne. Il a deux frères, Max et Joachim, nés le 23 décembre 1924 et le 27 novembre 1927, ainsi qu’une sœur, Cécile, née le 13 décembre 1934. Charlotte Bau et Leib Last, leurs parents, se sont mariés en 1924 à Leipzig, la ville de naissance de Charlotte (le 23 septembre 1902) et des quatre enfants. Leib est lui originaire de Pologne : Rozwadow, une petite ville de 3 000 habitants, dont les trois quarts sont juifs. Situé près de Rzeszow en Galicie, ce shtetl est en territoire autrichien jusqu’à la Première Guerre mondiale. On ignore quand Leib a quitté la Pologne, mais l’occupation de la région par l’armée russe en 1915 n’est sans doute pas étrangère à ce départ [16]. Les Last vivent à Leipzig au 41 Nordstrasse jusqu’en 1939 ; nul doute qu’à cette date il y a bien longtemps que Leib a dû abandonner son métier de voyageur de commerce.

Leib Last arrive en Belgique le 24 mai 1939, sa femme et ses enfants, le 31 juillet suivant. Il a passé la frontière allemande vers Aix-la-Chapelle, à pied. Lorsqu’ils sont enregistrés comme étrangers au ministère de la Justice belge, ils sont « apatrides » [17]. Leib dispose d’un passeport, mais un passeport d’apatride délivré à Leipzig le 24 janvier 1938 et prolongé un an plus tard. Il dépose une « Requête en vue d’établir la qualité de réfugié [18] ». Une feuille de route est délivrée à chacun des parents ; c’est une sorte d’autorisation de séjour – très temporaire puisqu’elle n’est valable qu’un mois : « Le titulaire de la présente feuille de route s’expose à être écroué à la disposition de la sureté publique si elle est rencontrée sur le territoire belge après l’expiration du délai précité. » Le début de la guerre en septembre 1939 donne un sursis à la famille puisque, de fait, le permis de séjour est prolongé.

À Bruxelles, la famille a changé deux fois de domicile : le 4, rue des Six-Jetons, puis, en août, Saint-Gilles-les-Bruxelles au 5, place des Héros et, enfin, en février 1940, Anderlecht au 26, rue Broyère. L’invasion allemande le 10 mai 1940 achève cet intermède belge qui n’aura duré qu’un an. Les Last réussissent à prendre un des trains en partance vers la France qui sont pris d’assaut devant la très probable capitulation de l’armée belge. Ils emportent le strict minimum sans savoir quand ils pourront rentrer chez eux. Ce train sillonne la France pendant quatre jours avant de s’arrêter à Revel en Haute-Garonne. Là, tous les réfugiés descendent et la préfecture leur attribue des logements de fortune dans diverses communes alentour. Les Last s’installent alors à Saint-Julia, mais sans Leib qui est envoyé à l’hôpital psychiatrique de Braqueville à Toulouse : n’ayant pas de papiers d’identité, mais seulement un titre de voyage sur lequel figurent un aigle et une croix gammée, le réfugié est soupçonné par les gendarmes d’être un agent nazi. Après l’armistice du 22 juin 1940, il est libéré et rejoint sa famille. Évidemment il n’y a pas d’emploi à la campagne pour un voyageur de commerce sans patrie. Restent les petits travaux saisonniers dans l’agriculture, et même les plus jeunes doivent retrousser leurs manches : Hans qui n’a que quatorze ans est embauché pour les vendanges.

Cette existence précaire, mais à peu près libre, s’achève au début de l’automne 1940 : le ministère de l’Intérieur a décidé le 24 octobre que les ressortissants étrangers dangereux pour l’ordre public ou en « surnombre dans l’économie nationale » devaient être internés à Agde ; pendant quelques semaines, le préfet de l’Hérault reçoit ainsi des demandes d’internement d’étrangers de la part des préfets de toute la zone libre. À la fin du mois de novembre 1940, 6 000 « internés civils » s’entassent dans le camp [19]. Le 30 octobre le préfet de Haute-Garonne transfère ainsi à Agde 1 100 étrangers de son département [20], parmi lesquels la famille Last. Sous le terme d’« étrangers en surnombre dans l’économie nationale », se cachent en fait des familles de réfugiés juifs ayant fui la Belgique ou le nord de la France, et surtout des familles de réfugiés espagnols. Le 10 décembre le ministère de l’Intérieur décide de transférer les 6 000 internés d’Agde vers le camp de Rivesaltes, dont l’ouverture vient d’être décidée. Les Last font partie d’un convoi de près d’un millier d’internés enregistrés à Rivesaltes le 15 janvier 1941 : ce sont les premiers internés du camp qui ouvre officiellement ce jour-là.

Hans Last rejoint la baraque 38 de l’îlot J, avec sa mère, son frère Joachim et Cecilia ; Max et son père sont envoyés dans l’îlot K – baraque 13. Il quitte Rivesaltes avec Joachim le 10 mai 1941, emmené par Sabine Zlatin, assistante sociale de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) ; son père et Max s’évadent le 1er septembre 1941 [21]. Max rejoint un groupe rural à Jaluyères dans le Rhône ; Cecilia est sortie du camp par Sabine Zlatin dans un groupe de 13 enfants le 7 novembre 1941 [22] ; Charlotte enfin s’enfuit le 2 janvier 1942 [23]. Les parents vivent désormais cachés à Lyon, où Cecilia et Joachim les rejoignent le 1er août 1942.

Hans, pris en charge par l’OSE, reste au solarium marin de Palavas-les-Flots jusqu’en janvier 1942. Une ferme-école pour garçons ouvre alors à Penne-d’Agenais en Lot-et-Garonne au lieu-dit Laroche sous l’égide de l’ORT. Hans a la chance de se voir attribuer une des trente places de pensionnaire – la chance, car de l’avis de tous les anciens de cette ferme-école qui ont témoigné plus tard, le séjour à Laroche fut un intermède heureux. Les enfants y sont bien nourris et reçoivent un enseignement de grande qualité.

Le 26 août 1942, les gendarmes investissent la cour du domaine. La veille, l’un d’entre eux est passé prévenir le directeur qu’une rafle aurait lieu le jour suivant ; tous les adultes se sont cachés, mais pas les adolescents : personne n’imaginait qu’ils seraient inquiétés. Cinq jeunes sont pris et rejoignent ainsi au camp de Casseneuil les centaines de Juifs étrangers raflés dans tout le département. Hans, qui vient d’avoir seize ans, entre dans la catégorie des personnes à livrer aux Allemands. Le 3 septembre 1942 les cinq jeunes de Laroche partent à Drancy, parmi les 283 Juifs de Casseneuil désignés par la commission de criblage. C’est en wagons à bestiaux que les Juifs de Casseneuil « voyagent » entre la gare de Monsempron-Libos et Paris ; là ils sont emmenés en bus à Drancy où ils ne restent que quelques jours.

Le 9 septembre 1942 Hans Last est déporté par le convoi 30 à destination d’Auschwitz-Birkenau. Ce convoi s’arrête à Kosel (l’actuelle Kozle en Pologne, près de Gliwice), à environ 80 kilomètres avant Auschwitz. C’est la première fois qu’il voit un soldat allemand, depuis qu’il a quitté l’Allemagne en 1939, se souvient-il aujourd’hui. Là, les SS de l’organisation Schmelt, du nom du représentant spécial pour l’emploi de la main-d’œuvre étrangère en Haute-Silésie, le font descendre comme tous les hommes de 16 à 45 ans [24]. Une fois cette sélection terminée, le train dans lequel ne restent plus que des femmes, des enfants et des hommes âgés, repart vers Auschwitz où seulement 91 d’entre eux échappent à la chambre à gaz. À Kosel, Hans monte dans un des camions qui emmènent une partie des hommes vers le camp de Johannesdorf (aujourd’hui Janislawice en Pologne). Des dizaines d’installations de ce type, camp de travaux forcés pour Juifs (Zwangsarbeitlager für Juden ou ZAL), fonctionnent en Silésie depuis la fin 1940 : Annaberg, Kochanowitz, Borsigwerk, Seibersdorf [25]… Les conditions d’existence dans ces camps sont moins inhumaines qu’à Auschwitz, c’est pourquoi la plupart des survivants d’Auschwitz de 1942 sont des hommes descendus à Kosel [26]. À Johannesdorf l’adolescent travaille à la construction d’une autoroute. Le chantier terminé, les forçats sont transférés en avril 1943 dans un autre camp de travaux forcés : Blechhammer.

Créé en avril 1942, ce camp est en fait divisé en deux : une partie pour les Juifs, une autre pour les Polonais. Logés dans des baraques en bois, les prisonniers travaillent dans la journée à la construction d’une usine de fabrication de pétrole synthétique. Jusqu’au 1er avril 1944, le camp est administré par l’armée, mais ce jour-là il passe sous le contrôle des SS d’Auschwitz : Blechhammer est désormais un sous-camp d’Auschwitz-III ; les Juifs du camp reçoivent aussitôt un numéro de matricule d’Auschwitz (176 512 à 179 567) qui leur est tatoué sur le bras gauche [27]. Hans devient le n° 177 979.

Pendant toute sa déportation, Hans reste sans nouvelles de sa famille. En août 1944, ses parents, sa sœur et son frère Joachim sont arrivés à Birkenau. Ces derniers vivaient dans la région de Lyon depuis plus de deux ans. Ils n’ont pas été inquiétés durant les rafles puisqu’ils n’étaient pas recensés là comme Juifs. Max, qui vivait à la campagne, est le seul à n’avoir pas été déporté : Leib, Charlotte, Joachim et Cecilia Last sont arrêtés à Lyon le 1er août 1944 dans des circonstances inconnues – au mois d’août 1944, la Gestapo vide les prisons : ses occupants, résistants, Juifs, otages, sont déportés vers l’Allemagne le 11 août 1944. Les quelque 600 partants (leur nombre exact est inconnu) ont pris place dans un train de voyageurs, en compartiments de 3e classe pour huit personnes. À Rothau, en Allemagne, une partie des déportés est descendue pour être envoyée au Struthof ou à Ravensbrück ; le train, dans lequel ne restent que les Juifs, continue sa route vers Stuttgart, Nuremberg, Kattowitz et Auschwitz où il s’arrête le 22 août [28] après onze jours d’errance. Les 308 arrivants ne sont pas sélectionnés à l’arrivée sur le quai, mais tous envoyés dans une baraque de Birkenau en attendant que leur statut soit établi par les SS. Finalement le 31 août 1944, 117 hommes et 63 femmes sont sélectionnés pour travailler ; les 128 autres (42 %) partent à la chambre à gaz. Cecilia, qui n’a que neuf ans, est morte ce jour-là, vraisemblablement près de Charlotte puisque pendant les sélections à l’arrivée, les mères ne lâchaient pas leurs enfants. Le 7 septembre, les hommes sont envoyés au camp principal où un nouveau numéro leur est attribué, de B 9 622 à B 9 738 (les femmes, de A 25 478 à A 25 340) [29].

Hans Last a réussi à survivre jusqu’à l’évacuation de Blechhammer le 21 janvier 1945. Quelques jours avant, les 4 000 prisonniers du camp ont été rejoints par 6 000 prisonniers de Gleiwitz et Jaworzno. Une miche de pain est distribuée à chacun, « agrémentée » d’un peu d’ersatz de margarine, de miel et de saucisson. Les prisonniers n’auront rien d’autre avant d’atteindre Gross Rosen douze jours après, le 2 février, au terme d’une marche de 180 kilomètres. 800 sont morts en route [30]. Le 8 février, les évacués de Blechhammer sont embarqués dans des wagons à découvert ; ces trains partent vers l’Ouest dans différents camps. Le convoi de Hans Last a pour terminus Buchenwald. Le 26 mars 1945, le matricule 125 608 de Buchenwald est affecté à un Kommando du camp : Schwalbe V près de Berga, une usine d’armement souterraine.

Courant avril, les prisonniers du camp de Berga sont évacués vers celui de Flossenbürg. En chemin une rumeur se répand : les Allemands seraient sur le point de tuer tout le monde ; avec quelques autres déportés Hans s’échappe du convoi, mais une patrouille de la jeunesse hitlérienne tombe sur le groupe. Expédiés dans une prison à Annaberg, les fuyards rejoignent ensuite un Kommando de Flossenbürg : Johann-Georgenstadt. D’après le témoignage d’un rescapé, ce Kommando est évacué en avril vers Prague : « 3 jours en train et à pied. Sur 1 150 partis, 1 000 seraient morts d’épuisement ou achevés sur la route [31] ». Hans s’échappe à nouveau. C’est à Glauchau qu’il retrouve la liberté le 8 mai 1945. Le lendemain les soldats américains l’envoient à l’hôpital : il a le typhus. Rapatrié à Paris le 11 juin 1945, il passe trois jours à l’hôtel Lutetia.

Sans ressources – étranger, il n’a pas droit à l’allocation versée aux déportés à leur retour –, il part à Lyon retrouver Max. Entretemps, Joachim, rescapé d’Auschwitz, est revenu en France. Hans, qui ne parvient pas à obtenir de papiers d’identité française ni de carte de déporté, ne peut trouver aucun travail. Il part alors clandestinement en Belgique dans l’espoir de retrouver les quelques biens restés dans l’appartement familial en mai 1940. Grâce à un ancien de la ferme-école de Laroche, il travaille au noir pendant quelques mois.

Finalement il se résout à retourner en France. Accepté dans la maison d’enfants du château de Boucicaut à Fontenay-aux-Roses en janvier 1946, il vit ensuite au Foyer de jeunes gens de la rue Rollin à Paris, puis seul au 12, rue Pelouze dans le VIIIe arrondissement. Son diplôme d’électricien en poche – au terme d’une formation d’un an à l’école de TSF de l’ORT, rue des Saules à Montmartre –, il travaille quelque temps chez Schneider. Mais Hans désire quitter le pays qui ne l’a pas protégé : « Je savais que les nazis avaient juré de nous anéantir. Mais les Français avaient promis qu’ils nous protégeraient et je leur reproche de nous avoir arrêtés et livrés à nos bourreaux [32]. » Ne voulant pas partir clandestinement en Palestine, il émigre en Australie en 1948 avec son frère benjamin Joachim. Il avait aussi la possibilité de partir vers les États-Unis et le Venezuela. Il a choisi le pays le plus éloigné de l’Europe.

Max est mort en 1998 et Joachim en 2006. Hans ne répond plus à nos e-mails depuis un an.


Abraham, Brucha et Rosa Morawiecki

Abraham Morawiecki est né à Szczekociny, près de Kielce, le 14 juillet 1890. Cette ville polonaise se situait alors dans l’Empire russe. Son père s’appelait Moszek, sa mère, Fredla née Lenszner. Abraham a épousé Bajla (ou Dvojra) Chiechanowski, née à Tuzla (ou Tuszyn) en 1894. Ils ont cinq enfants, tous nés à Łódź en Pologne : Rosa le 22 janvier 1917, Akiva le 15 janvier 1919, Brucha (Bertha) le 6 août 1920, Moszek le 5 février 1922, et Mayer le 13 juillet 1924.

Nous ignorons dans quelles circonstances la famille Morawiecki a quitté la Pologne. Ils ont fini par se fixer à Paris au 26, rue des Couronnes dans le XXe arrondissement [33]. Tailleur de profession, Abraham a vraisemblablement appris le métier à ses enfants : ses filles sont couturières ; Akiva et Moszek travaillent comme mécaniciens en vêtements ; Mayer, le cadet, encore étudiant, ne tarde pas à suivre la voie.

C’est le 14 mai 1941 que la famille est séparée pour la première fois. Ce jour-là, comme 3 700 Juifs de sexe masculin, Akiva et Moszek se présentent à une convocation au commissariat pour un soi-disant examen de leur situation d’étranger. Ils sont en fait envoyés au camp d’internement de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret [34]. Ce camp est leur dernière adresse en France.

La famille Morawiecki a été décimée en l’espace de six mois : Akiva et Moszek sont déportés à Auschwitz-Birkenau le 28 juin 1942 par le convoi 5. Tous les déportés de ce convoi ont été immatriculés à Auschwitz − la première sélection à l’arrivée à Auschwitz-Birkenau d’un convoi de déportés juifs organisé par le RSHA a lieu le 4 juillet 1942 [35]. Akiva a reçu le numéro 43 358 et Moszek, le 43 359. Malgré leur jeune âge, les deux frères n’ont tenu que quelques semaines : Moszek est mort au camp le 12 août, Akiva, le 5 septembre 1942 [36].

Leur mère Bajla et leur frère cadet Mayer sont eux déportés le 21 août 1942 par le convoi 22. On ignore à quelle date ils ont été arrêtés par la police, probablement lors de la rafle du Vél’ d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942. Tous deux ont dû passer devant un officier SS sur la Judenrampe à l’arrivée, près de Birkenau. On ne sait si Mayer et sa mère ont été sélectionnés pour le travail ou envoyés directement à la chambre à gaz.

Quand Abraham et ses filles quittent-ils la capitale ? Celui-ci a-t-il décidé de partir après l’arrestation de sa femme et de son fils ? Vraisemblablement, ils passent clandestinement en zone non occupée entre la Gironde et le Lot-et-Garonne au début d’août 1942. Au poste de contrôle de la ligne de démarcation de La Réole, ils sont arrêtés par les policiers français. Abraham est alors incorporé d’office au GTE 536 pour travailler dans l’agriculture [37], tandis que ses deux filles sont assignées à résidence à Montauriol [38]. En fait tous trois restent à La Réole, mais leur « séjour » en zone libre est de courte durée : le 26 août 1942, ils sont arrêtés par les gendarmes et envoyés au camp de Casseneuil. Transférés à Drancy, Abraham, Bertha et Rosa Morawiecki sont déportés à Auschwitz-Birkenau le 9 septembre 1942 par le convoi 30. Qu’advient-il de Rosa lors de la sélection ? Abraham et Bertha sont, eux, admis dans le camp. Ils y survivent moins de trois mois : le 3 décembre 1942, Abraham, qui a reçu le matricule 63 485, meurt au bloc 28 à Auschwitz (la cause mentionnée sur l’acte de décès établi par les SS est − elle est bien sûr souvent fausse – une gastro-entérite aiguë). Sa fille décède le même jour au camp principal, d’une soi-disant urémie [39].

Les affaires personnelles d’Abraham sont vendues aux enchères à Villeneuve-sur-Lot le 19 février 1943 [40]. À la libération des derniers camps en mai 1945, il ne reste aucun survivant des sept membres de la famille Morawiecki.


Kurt Hirsch

Kurt Hirsch est né le 22 novembre 1901 à Berlin. De nationalité allemande, il est commerçant à Berlin et demeure avec sa femme Else au 23, Fabriksstrasse. Entre 1933 et 1938, entre le boycott et les persécutions quotidiennes, l’activité des commerçants juifs d’Allemagne devient de plus en plus difficile ; le 12 novembre 1938 un décret finit par interdire toute activité commerciale aux Juifs à partir du 1er janvier 1939 [41]. Lorsque paraît ce décret, le Berlinois est déjà prisonnier au camp de Buchenwald [42]. Entré le 24 septembre 1938, après trois mois de détention en prison, il est immatriculé comme ASR (Arbeitsscheu Reich), c’est-à-dire « réfractaire au travail ». C’est dans cette catégorie que près de 1 500 Juifs ont été internés à Buchenwald après l’« opération juin » (Aktion-Juni) qui s’est déroulée du 13 au 18 juin 1938 [43]. Bien entendu, les Juifs arrêtés n’étaient nullement des oisifs ; cette opération est une rafle anti-juive qui ne veut pas dire son nom.

Il est ensuite difficile de reconstituer l’itinéraire de Kurt Hirsch en France et son histoire est en cela exemplaire des difficultés rencontrées parfois par les historiens face aux carences des archives. Libéré du camp de Buchenwald le 19 août 1939 [44], sans doute a-t-il sans tarder fui son pays natal. Mais nous ignorons si c’est pour passer en Belgique ou en Hollande, voire au Luxembourg. À moins qu’il ait eu le temps de passer en France avant la déclaration de la guerre. Si c’est en Belgique qu’il a fui, nul doute alors qu’il aura été expulsé vers la France le 10 mai 1940, pour être interné à Saint-Cyprien ou au Vernet-d’Ariège. Son nom apparaît dans le fichier des internés du camp de Gurs [45], vers lequel il a probablement été transféré à la fermeture du camp de Saint-Cyprien en octobre 1940 [46].

Autre écueil, ce nom, nanti du même prénom, apparaît dans plusieurs registres et listes (camp de Sainte-Livrade en mai 1940, GTE 302 de Septfonds en 1941, et GTE 308 en 1942), mais sans date de naissance ou autre indication pouvant prouver qu’il s’agit d’une seule et même personne. Rien qu’en France, il y a cinq Kurt Hirsch déportés à Auschwitz en 1942.

Que sait-on avec certitude ? Non recensé comme Juif en Lot-et-Garonne en juillet-août 1941 [47], il a été transféré de Gurs vers le GTE 308 de Tombebouc peu après : au 1er janvier 1942, il compte parmi ses « pensionnaires » [48]. Il passe le mois de janvier 1942 dans un bataillon disciplinaire au GTE 554 de Catus dans le Lot et revient au cantonnement à Tombebouc en février de la même année. Il y reste jusqu’au 26 août 1942, date à laquelle débute la rafle des Juifs étrangers, en Lot-et-Garonne comme dans toute la zone libre. Ce jour-là, les gendarmes l’embarquent et l’emmènent au camp de Casseneuil. La rafle dure plusieurs jours et les Juifs arrêtés y sont tous regroupés. Là non plus il n’y a quasiment pas d’archives : le 1er août 1944, un groupe de maquisards a fait irruption dans le camp, redevenu un simple GTE, puis a brûlé tous les documents administratifs [49].

Le départ pour Drancy est prévu le 3 septembre 1942. Une commission de criblage dresse la liste des partants : une fois barrés les « exemptés », les « intransportables » et les évadés (117 au total de ces trois catégories), il reste 283 personnes – le médecin du camp, le docteur Griffier, a sauvé plusieurs internés promis au départ, dont une fillette de deux ans, en diagnostiquant de fausses maladies. Après l’appel le 3 septembre à l’aube, les déportés montent dans des camions, mais sans leurs bagages : le chef du camp, Henri Chassagnac, a décidé que les valises partiraient dans un camion à part. Quand ce camion arrive à la gare de Monsempron-Libos, les déportés sont déjà loin ; ils arrivent à Drancy le lendemain sans autres effets que ce qu’ils ont sur eux. Un homme, Chil Wanjberg, s’est évadé du convoi ; les 282 autres partants sont déportés vers Auschwitz entre le 7 et le 18 septembre 1942.

Kurt Hirsch, tout comme Hans Last et Abraham, Bertha et Rosa Morawiecki, est déporté à Auschwitz-Birkenau le 9 septembre 1942 par le convoi 30. Ses affaires personnelles, contenues dans les valises restées sur le quai de la gare de Monsempron-Libos le matin du 3 septembre, sont vendues aux enchères le 19 février 1943 [50].


Ludwig, Else, Walter-Felix, Paul-Georg et Amalie Klug

Ludwig Klug est né le 11 octobre 1885 à Sered. Cette ville, aujourd’hui slovaque, appartient à cette date à l’Empire austro-hongrois. De nationalité autrichienne, il est commerçant. Née Neumann le 21 septembre 1884, sa femme Else est couturière. Ils habitent à Vienne où naissent leurs deux enfants : Paul-Georg le 12 septembre 1911 et Walter-Felix le 13 janvier 1913. Paul-Georg est médecin. Sa femme Amalie, née Lebovicz, voit le jour le 13 février 1920, nous ignorons où.

Avant la guerre, les Klug sont installés en Belgique [51]. Au mois de mai 1940, Ludwig, Paul-Georg et Walter-Felix font partie des 2 200 Allemands et Autrichiens « appartenant à la 5e colonne » expulsés de Belgique et cantonnés à Sainte-Livrade-sur-Lot les 14 et 15 mai 1940 [52]. Tous ces hommes sont ensuite internés au camp de Saint-Cyprien, sauf les anciens officiers des armées allemande et autrichienne, dont font partie les trois Klug : ceux-là rejoignent le camp du Vernet-d’Ariège, après une halte au camp de Loriol, dans la Drôme. Ils y restent jusqu’au 14 novembre suivant [53]. Relâchés, ils ne sont pas libres pour autant puisqu’ils ont l’obligation d’intégrer un groupe de travailleurs étrangers, le GTE 308, basé à Agen.

Walter rejoint ensuite le 536e GTE et parvient à se faire détacher à la ferme-école de l’ORT à Monbahus. C’est dans cette localité qu’Else et Amalie le retrouvent et s’installent. On ignore quand elles arrivent en Lot-et-Garonne, mais n’apparaissant pas dans le registre de recensement des Juifs de juillet-août 1941 [54], on peut supposer que c’est à une date ultérieure.

Le 26 août 1942, lors de la rafle de zone libre, toute la famille est arrêtée à Monbahus, Paul-Georg excepté. Ludwig, Else et Amalie partent à Drancy depuis Casseneuil le 3 septembre et sont déportés à Auschwitz-Birkenau par le convoi 30 du 9 septembre 1942. Walter, arrêté lui aussi à Monbahus, est transféré au camp de Rivesaltes [55]. On ignore pour quelle raison il a été exempté du départ vers Drancy le 3 septembre – l’ORT aura tenté de le faire passer pour un de ses salariés, c’est-à-dire un salarié de l’UGIF. Après le départ du 3 septembre des 283 Juifs de Casseneuil vers Drancy, la commission de criblage continue son travail. Mais cette fois, avant Drancy, les déportés transitent par Rivesaltes. La première liste de Juifs recherchés établie le 29 août 1942 [56] mentionnait 372 personnes au moins. Celle du 1er octobre 1942 [57], envoyée à tous les préfets de zone libre, n’en porte plus que 260. Finalement entre le 17 septembre et le 20 octobre, la commission de criblage raye de la liste 151 personnes recherchées, la plupart après exemption. Mais au moins 100 personnes sont envoyées à Rivesaltes entre le 9 septembre et le 26 octobre. Parmi ces dernières, 36 sont par la suite déportées. Walter Klug, déporté le 16 septembre 1942 par le convoi 33, en fait partie.

Quant à son frère Paul-Georg, alors qu’il figure sur la liste des Juifs à arrêter le 26 août 1942 par les policiers marmandais [58], il n’est pas raflé ce jour-là mais pris un peu plus tard – à cette date, il est hospitalisé à Marmande pour une méningite tuberculeuse. Envoyé au camp de Casseneuil, il y retrouve sa femme et ses parents ; transféré comme eux à Drancy le 3 septembre, il est aussi déporté à destination d’Auschwitz-Birkenau par le même convoi 30, parti le 9 septembre 1942. Mais lorsque le train s’arrête à Kosel, Paul est sommé de descendre, comme Hans Last et les autres hommes âgés de 16 à 45 ans. On ignore vers quel camp de travaux forcés pour Juifs en Haute-Silésie il est envoyé. En 1943, il quitte celui de Ratibor pour Blechhammer. Le 1er avril 1944, lorsque ce camp est rattaché à Auschwitz, Paul-Georg Klug devient le matricule 177 636 [59]. Nous n’avons pu retrouver aucune information sur lui après cette date. Aucun des cinq membres de la famille Klug n’a survécu.


Anschel, Alfred et Yvonne Wohlmann

Anschel Wohlmann est né à Cracovie le 26 septembre (ou peut-être juillet) 1883. À l’époque la ville fait partie de l’Empire austro-hongrois et ne redevient polonaise qu’après la Première Guerre mondiale. Anschel Wohlmann a gardé la nationalité autrichienne et s’est installé à Vienne. Négociant, il est veuf lorsqu’il arrive en France en 1940 – sa femme s’appelait Dorota – ; il déclare en outre avoir deux enfants : Alfred, qui est né le 21 décembre 1913 à Anvers, en Belgique, et Yvonne, le 6 mai 1920 dans la capitale autrichienne.

Un autre Wohlmann, Martin, habite à Agen en 1941 et lui aussi est entré en France en mai 1940 – sans doute de Belgique, donc. Il est possible, compte tenu de sa date de naissance (le 18 juin 1882), qu’il soit le frère ou un cousin d’Anschel.

À une date inconnue, Anschel Wohlmann a dû quitter son pays et s’est réfugié, avec sa femme et ses enfants, en Belgique [60]. Le 10 mai 1940, Anschel et son fils sont arrêtés par la police belge. Leur itinéraire est ensuite identique à celui de Ludwig, Paul-Georg et Walter-Felix Klug : ils transitent par les camps de Sainte-Livrade, de Loriol et enfin du Vernet. Le 14 novembre 1940 le père et le fils sont transférés au GTE 308 à Agen [61].

En juillet 1941 le nom d’Anschel Wohlmann et celui de sa fille apparaissent dans le registre du recensement des Juifs de Lot-et-Garonne. Tous deux habitent à Nérac au 19, rue Gambetta. Yvonne est arrivée en France en avril 1941 et a rejoint son père [62]. Alfred n’est pas recensé : soit il n’a pas rempli de déclaration – c’est difficile compte tenu des contrôles –, soit il n’est pas resté dans le département. On sait par contre qu’il est prestataire du GTE 308 à Tombebouc au 1er janvier 1942 [63]. Il travaille ensuite à la cimenterie Lafarge de Nicole, puis pour les Établissements Ceretti sur le chantier de la poudrerie de Sainte-Livrade et finalement comme domestique agricole chez un paysan. Entre-temps il est passé du GTE 308 au 536.

Anschel a lui aussi été incorporé au GTE 308, mais il est « détaché à son compte ». Cela signifie qu’il a les moyens de s’assumer financièrement. En avril 1942 pourtant, il est contraint de rester un mois au château de Tombebouc, siège du 308e GTE. La commission préfectorale, qui étudie les dossiers individuels des étrangers susceptibles d’être incorporés dans un GTE, le dispense finalement de cette mesure en juillet 1942. La préfecture vient, il est vrai, de lui en imposer une autre : le 23 juin, elle l’assigne à résidence à Castillonnès [64].

Il semble qu’Yvonne a quitté Nérac pour Casseneuil. C’est là qu’elle habite lors de la rafle du 26 août 1942 [65] ; Alfred donne la même adresse lors de leur enregistrement au camp de regroupement de Casseneuil. Transférés à Drancy le 3 septembre suivant, Yvonne et Alfred Wohlmann sont eux aussi déportés à Auschwitz-Birkenau le 9 septembre 1942 par le convoi 30.
Leur père n’apparaît pas sur les deux seules listes du camp de Casseneuil qui demeurent dans les archives : celle de l’effectif au 30 août 1942 et celle du convoi du 3 septembre 1942 vers Drancy [66]. On ignore pourquoi il n’a pas été arrêté. S’est-il caché ? Était-il exempté ? Moins de six mois plus tard cependant, le 19 février 1943, une rafle est ordonnée au préfet de Lot-et-Garonne par le préfet régional – il a lui-même reçu cet ordre de Vichy, qui organise en zone sud à la demande des Allemands une rafle de 2 000 Juifs en représailles à un attentat commis contre deux officiers allemands à Paris [67]. Il s’agit d’envoyer à Gurs, avant le 21 février, 100 Juifs étrangers de sexe masculin, âgés de 18 à 65 ans. Devant le nombre insuffisant du premier transfert (48 hommes) vers le camp de Gurs le 21 février 1943, 25 autres y sont transférés le 27 février 1943 [68]. Sur ce total de 73 hommes conduits au camp des Basses-Pyrénées, 64 sont déportés et assassinés au centre de mise à mort de Sobibor par les convois n° 50 et 51 du 4 mars 1943 et du 6 mars 1943. La cible à cette époque n’est plus seulement les Juifs entrés en France après 1936 (1933 pour les célibataires), mais après 1920. De plus il ne reste que trois nationalités protégées : turque, roumaine et hongroise. Les instructions prévoient d’expédier à Gurs d’abord les célibataires, puis les hommes mariés sans enfants ; en dernier recours les Juifs ayant des attaches françaises ou ayant rendu des services, civils ou militaires, à la France. Nombre de ceux qui avaient échappé à la rafle du 26 août 1942 sont alors pris.

Appréhendé par les gendarmes le 20 février 1943, Anschel est donc conduit au camp de Gurs avec des dizaines d’autres Juifs de Lot-et-Garonne ; l’étape suivante est encore le camp de Drancy. Anschel Wohlmann est déporté à Sobibor par le convoi 50. À l’arrivée à Sobibor, les SS ont demandé à quelques hommes de rester sur le quai afin d’être employés à des travaux de force (comme soulever des rails). Une poignée d’hommes, jeunes et robustes, se sont désignés. Ils sont repartis immédiatement à Majdanek, sans donc jamais être entrés dans le camp. Les autres ont tous été gazés. Sur les 1 000 déportés du convoi 50, quatre sont revenus, et sur le même nombre de déportés du convoi 51, cinq sont rentrés [69]. Compte tenu de son âge, cinquante-neuf ans, il est presque certain qu’Anschel Wohlmann n’a pas rejoint le petit nombre de déportés sélectionnés à l’arrivée pour repartir vers Majdanek. Il aura alors été immédiatement assassiné.

Ce même jour, le 4 mars 1943, les affaires d’Yvonne, abandonnées dans une valise au camp de Casseneuil, sont vendues aux enchères sous la halle de Villeneuve-sur-Lot [70]. Les valises des déportés partis du camp le 3 septembre 1942 sont en effet vendues aux enchères à Villeneuve-sur-Lot entre janvier et mars 1943 lors de 24 séances publiques. Les biens personnels abandonnés à leur domicile, et parfois le domicile lui-même, ont eux aussi été vendus aux enchères. C’est ainsi que peu après l’arrestation d’Anschel Wohlmann, le maire de Castillonnès adresse un courrier à Roger Mathieu, administrateur provisoire de biens juifs, dans lequel figure un inventaire des biens « abandonnés » par Anschel Wohlmann à son domicile. Le 10 août 1943, maître Grégoire, huissier, procède à la vente aux enchères des affaires du disparu, qui rapporte 3 458 francs au CGQJ [71].

À tenter de raconter l’histoire de centaines de personnes à travers les archives, on n’échappe pas à une injustice : certains, parce que réfugiés, étrangers, internés, condamnés devant les tribunaux, ont laissé des traces dans une foule d’archives ; pour d’autres il n’y a que quelques lignes à écrire. De plus, pour avoir consulté les archives de nombreux départements, nous savons que des documents cruciaux n’existent plus aujourd’hui en Lot-et-Garonne :

  •  les listes du recensement des Juifs étrangers entrés en France après 1936, réalisé en février 1942 ;
  • la liste générale des Juifs ayant fait apposer la mention Juif sur leurs papiers en décembre 1942 ;
  • la liste des Juifs à arrêter le 26 août 1942, ainsi que la liste des travailleurs étrangers (T.E.) à regrouper en vue de leur transfert à Drancy le 23 août 1942. On sait seulement que la liste des Juifs à arrêter le 26 août comptait 705 noms et celle des T.E., 85.

D’autre part, il n’est pas systématiquement possible de savoir si c’est un policier ou un gendarme qui procède à l’arrestation, car le lieu exact de l’arrestation n’est pas toujours connu ; de plus un même nom peut figurer sur deux localités dans les quelques listes d’arrestation distribuées aux brigades de gendarmerie ; enfin, on n’a parfois pas d’autre possibilité que de conclure par déduction, selon le domicile de la personne à arrêter – un village ou une ville.
Il y a enfin une vraie difficulté à établir combien de Juifs sont présents à une date donnée entre juin 1940 et août 1944 dans le département. Nous savons seulement, grâce à trois listes [72], qu’entre 1941 et 1944, 3 800 personnes ont été identifiées comme Juifs domiciliés en Lot-et-Garonne. Bien entendu, pas moyen de connaître le nombre des Juifs qui ont séjourné clandestinement ou sous une fausse identité dans le département.

Autre aspect des lacunes archivistiques, les archives disponibles sont quasiment toutes des archives de l’administration française. Cette surreprésentation expose les chercheurs à deux écueils :

Minorer le rôle des Allemands.

L’absence d’archives des sections locales de la Sipo-SD conduit à sous-estimer sans doute l’activité des Allemands par rapport à celle des gendarmes. Le premier Juif, Edmond Blum, arrêté par les Allemands puis déporté, a été pris le 25 mai 1943. Les Allemands ayant détruit leurs archives en quittant Agen en août 1944, on doit se contenter de documents de deuxième main, en l’occurrence les rapports des Renseignements généraux qui recensent les arrestations réalisées par la police allemande [73]. 28 personnes ont été arrêtées par la Gestapo d’Agen de mai 1943 à juin 1944, parmi elles 25 Français. Ces arrestations semblent le plus souvent liées à la lutte contre la Résistance. Il ne s’agit pas de rafles, mais d’arrestations individuelles. La « chasse aux Juifs » n’était tout simplement pas la priorité de l’antenne du SD d’Agen, comme le montre le dossier d’instruction d’Henri Hanak, un tortionnaire du SD d’Agen jugé et exécuté après la Libération [74].

Voir le verre de Vichy à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

Fatalement, les archives administratives sont sans pitié avec l’administration elle-même. Le chercheur engrange les cas d’arrestations, mais ignore les cas de sauvetage, hormis les complicités d’évasions ou les démantèlements de réseaux de confection de faux papiers ; lorsqu’un gendarme vient prévenir une personne à son domicile la veille de son arrestation, il n’en reste rien dans les archives. L’histoire du sauvetage des Juifs ne peut se faire avec les archives aujourd’hui disponibles.

Pour finir, nos choix de localisation – qui est déporté de Lot-et-Garonne, qui ne l’est pas – ne seront pleinement valables qu’après une généralisation des monographies départementales. Le choix du critère « lieu d’arrestation » plutôt que « domicile » du déporté nécessiterait un consensus entre chercheurs, car privilégier le lieu de l’arrestation plutôt que le domicile conduit à un certain paradoxe : on trouvera parmi les 473 déportés de Lot-et-Garonne des hommes et des femmes qui peuvent n’y avoir passé que quelques semaines, voire quelques jours (les Parisiens qui passent clandestinement en zone libre après la rafle du Vél’ d’Hiv), mais tous arrêtés en Lot-et-Garonne ; inversement, des réfugiés installés depuis mai 1940 et arrêtés dans un autre département à l’été 1942 quelques jours ou quelques semaines après leur départ de Lot-et-Garonne ne sont pas retenus dans les 473.

Pour avoir l’assurance d’avoir vraiment identifié tous les déportés de chaque département, il faudrait généraliser une telle étude aux 75 000 déportés de France. Sans cela, nous restons dans l’incertitude d’avoir retrouvé tous les déportés du département.
Sources

Nous n’avons eu recours, sauf exception (Hans Last en fait partie), ni aux témoignages des rescapés ni à des archives familiales ; l’essentiel de nos informations provient des archives publiques, des institutions juives et de différents musées-mémoriaux :

  •  Archives départementales de Lot-et-Garonne et des départements voisins notamment pour les archives des camps de Gurs, Rivesaltes, Saint-Cyprien, Le Vernet et Mérignac
  • Les Archives générales du Royaume de Belgique
  • Archives de la gendarmerie nationale à Vincennes
  • Archives de l’ORT-France
  • Le Service international de recherches à Bad Arolsen
  • Le Musée d’Auschwitz
  • Le musée de l’Holocauste à Washington
  • Les mémoriaux de Mauthausen, Buchenwald, Dachau et Sachsenhausen
  • Yad Vashem
  • CDJC

[1] Éditions Après l’Oubli-Les fils et filles des déportés juifs de France.
[2] Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, rééd. Fayard, Paris, 2001, p. 1055-1056.
[3][3] Ibid., p. 1921 pour les nationalités, p. 1915 pour les âges. Pour cette dernière catégorie nous avons repris les tranches d’âge choisies par Serge Klarsfeld.
[4] ITS, GCC10/87, Ordner 105, Seite 175, KL Sachsenhausen, Veränderungsmeldung, Oranienburg, den 27.11.38.
[5] Archives générales du royaume de Belgique (AGR), dossier d’étranger A.340 206.
[6] Marcel Bervoets, La Liste de Saint-Cyprien, Alice Éd., Bruxelles, 2006.
[7] AD Ariège, 5W 212, dossier Heinrich Zimmer.
[8] ADPO, 2619W 1.
[9] AD Ariège, 5W 431.
[10] ADLG, 1W 291.
[11] ADHG, 6439W (cote provisoire), registre nominatif du GTE 308 en 1942.
[12] Serge Klarsfeld, Le Calendrier, op. cit., p. 844.
[13] ADLG, 1W 300, PV d’interrogatoire de Georg Epstein, Agen, 26 août 1942.
[14] AN, AJ38 4208, dossier 3724.
[15] ADLG, 1W 667.
[16] Encyclopaedia Judaica, Arthur Cygielman et Aharon, 2007.
[17] AGR, dossier d’étranger de Leib Last A356 460.
[18] AGR, ibid.
[19] AD Hérault, 2W 620.
[20] AD Hérault, 2W 624.
[21] Registre d’entrées à Rivesaltes, ADPO, 1260W 78.
[22] Registre des départs de Rivesaltes, ADPO, 1260W 86.
[23] ADPO, 1260W 78.
[24] Wolf Grunner, Jewish Forced Labor under the Nazis. Economic Needs and Racial Aims, 1938-1944, Cambridge University Press, New York, 2006, p. 226-227.
[25] ITS, General documents, Verschiedene Haftstätten und Lager, Zwangsarbeitslager Schmelt, 58a.
[26] Serge Klarsfeld, op. cit. p. 880.
[27] Danuta Czech, Auschwitz Chronicle 1939-1945, Henry Holt and Company, New York, 1990.
[28] Joseph Bialot, C’est en hiver que les jours rallongent, Éd. du Seuil, Paris, 2002, p. 113.
[29] Danuta Czech, op. cit.
[30] Daniel Blatman, Les Marches de la mort. La dernière étape du génocide nazi. Été 1944-printemps 1945, Fayard, Paris, 2009, p. 106-110.
[31] AN, F9 5589, synthèse du 8 août 1945, « Transferts en Allemagne », témoignage de Paul Moulin ; synthèse 12 au 12 août 1945, « Conditions d’évacuations et de libérations », témoignage de Maurice Soyer.
[32] Conversation téléphonique, 2007.
[33] AN, F9 5621, fiche familiale de la préfecture de police de Paris – Bajla Morawiecki.
[34] AN, F9 5766, fiches d’entrée à Beaune-la-Rolande d’Akiva et Moszek Moriawiecki.
[35] Danuta Czech, op. cit.
[36] Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, certificats de décès.
[37] ADLG, 1825W 6, rapport du commissaire de La Réole au préfet, 8 août 1942.
[38] ADLG, 3Z 222, arrêté d’assignation à résidence, 14 août 1942.
[39] Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, certificats de décès.
[40] AN, AJ38 4207, PV de vente, 19 février 1943.
[41] Saul Friedländer, Les Années de persécution. L’Allemagne nazie et les Juifs. 1933-1939, Éd. du Seuil, Paris 2008, p. 353.
[42] ITS, dossier de prisonnier de Buchenwald de Kurt Hirsch et T/D case 227 040.
[43] Saul Friedländer, op. cit., p. 328.
[44] ITS, op. cit.
[45] ADPA, fichier nominatif du camp de Gurs.
[46] Claude Laharie, Le Camp de Gurs, 1939-1945. Un aspect méconnu de l’histoire de Vichy, J&D Éd., 1993 (2e édition), p. 173.
[47] ADLG, 1W 301, registre nominatif du recensement des Juifs.
[48] ADHG, 6439W (cote provisoire), registre nominatif du GTE 308 de Tombebouc.
[49] ADLG, 1W 407, courrier du chef du GTE 536 au préfet de Lot-et-Garonne, 2 août 1944.
[50] AN, AJ38 4207, dossier n° 3404 « Camp de Casseneuil ».
[51] AGR, dossiers d’étranger Paul Klug A. 315 629 et Walter-Felix Klug A. 315 628.
[52] ADLG, 1825W 62.
[53] AD Ariège, dossier Klug 5W 212.
[54] ADLG, 1W 301.
[55] ADPO, 1260W 96.
[56] ADLG, 1825W 36.
[57] AD Vaucluse, 7W 16.
[58] ADLG, 1825W 36, Rapport du commissaire de police de Marmande, 26 août 1942.
[59] ITS, T/D case 780 635.
[60] AGR, dossiers Alfred Wohlmann 1.668 205 et Yvonne Wohlmann A. 172 320.
[61] AD Ariège, fichier du camp du Vernet, 5W 448.
[62] ADLG, 1W 291.
[63] ADHG, 6439W.
[64] ADLG, 3Z 222.
[65] ADLG, Liste « convoi du 3 septembre 1942 », 1W 300.
[66] ADLG, ibid.
[67] Serge Klarsfeld, op. cit., p. 1375.
68] ADPA, 72W 44.
[69] Maurice Jablonski, le survivant du convoi 51, film de Claude Bochurberg, 2004.
[70] AN, AJ38 4207, PV de vente, 4 mars 1943.
[71] AN, AJ38 4216, dossier 3724.
[72] ADLG, 1W 299 et 663, et AN, AJ38 297.
[73] ADLG, 1825W 12.
[74] ADLG, 1738W 34.